INTERVIEW AVEC MME ANA GUȚU, PROFESSEUR UNIVERSITAIRE, SECRETAIRE D’ÉTAT AU DÉPARTEMENT POUR LA RELATION AVEC LA RÉPUBLIQUE DE MOLDAVIE
Bucarest, le 03 mai 2020
Bionote : Mme Ana Guțu est professeur des universités, docteur ès-lettres, auteur d’environ 500 publications, de nationalité roumaine, ayant la citoyenneté de la Roumanie et de la République de Moldavie. Elle écrit ses ouvrages en français et en roumain, ses préoccupations scientifiques visent les domaines de la philosophie du langage, de la traductologie, de la terminologie et de la sociolinguistique. Ana Guțu a été activement impliqué dans les activités de la francophonie universitaire, assumant le statut de membre des instances de l’Agence Universitaire de la Francophonie entre 2009-2017. Mme Ana Guțu est aussi une politicienne connue en République de Moldavie et en Roumanie qui plaide pour la réunification des deux pays, elle a été députée au parlement moldave (2009-2014) et membre actif de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe. Elle a dirigé la section moldave à l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie, ayant organisé et accueilli en novembre 2013, pour la première fois à Chisinau, la Réunion de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie, région Europe. Mme Ana Guțu est l’auteur de la saisine déposée à la Cour Constitutionnelle de la République de Moldavie en 2013, sollicitant la constitutionnalisation de la Déclaration d’indépendance de la République de Moldavie, afin de trancher le nom correct de la langue officielle du pays – la langue roumaine. Elle invoque dans sa sollicitation l’exemple de la France qui a constitutionnalisé La Déclaration des droits des citoyens de 1789. Ana Guțu est chevalière de l’Ordre de la Légion d’Honneur de la République Française, elle est décorée de l’Ordre „L’Etoile de la Roumanie” en grade de Grande Croix (2014), ainsi que de „L’Ordre de la République” de la République de Moldavie (2014), elle détient également la médaille et le titre de Membre Honorifique à vie de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe. À partir du 16 janvier 2020 Ana Guțu assume la fonction de secréaire d’état au Département pour la Relation avec la République de Moldavie (DRRM) dans le Gouvernement de la Roumanie.
La République de Moldavie, aussi bien que la Roumanie, ont des traditions culturelles très étroites liées à la langue et à la culture française, des traditions qui remontent surtout au XIX-e siècle – le siècle de l’émancipation et la constitution de la nation roumaine. Les mobilités intellectuelles de et vers la France, l’affirmation de la France en tant que théâtre politique, social et artistique de l’Europe, ont profondément marqué la pensée, la création artistqiue et l’écriture littéraire roumaine. Le début du XX-e siècle, avec la tumultueuse quête de la paix, mais aussi suite à la révolte et à la guerre, allait déclencher un exode des talents littéraires, philosophiques et artistiques de la Roumanie vers la France. La République de Moldavie, dont le territoire couvre une bonne partie de l’ancienne Bessarabie (territoire roumain annexé par l’Empire Tsariste Russe en 1812), a également fait preuve de cette sympathie pour la France, sa cuture et sa langue, surtout après1918, durant la période de la Roumanie Grande, la France ayant été le pays qui a fortement appuyé la réunification de la Bessarabie avec la Roumanie lors de la Conférence de Paix de Paris en 1919.
La francophonie est un phénomène plus récent qui va au-delà de la francophilie, même si l’amour pour la langue française et la culture française reste le noyau dur de la francophonie en Roumanie et en République de Moldavie. Au début des années ’90 le nombre d’élèves étudiant le français dans les écoles atteignait en République de Moldavie les 70%. Hélas, la République de Moldavie, de même que la Roumanie, n’a pas échappé à la tendance générale de se pencher plutôt vers l’anglais, le français cède la place à l’anglais dans les écoles et dans les universités. Cela n’empêche, pourtant, que la francophonie garde sa place dans les établissements scolaires et universitaires. En République de Moldavie des classes bilingues dans les lycées, des filières francophones dans les universités font vivre les valeurs de la francophonie à travers l’éternel amour pour le français et les valeurs culturelles qu’il fait véhiculer.
La France a toujours été le pays qui a appuyé le parcours européen de la République de Moldavie, la France c’est le pays qui est venu le premier avec un investisseur important en 1998 – France Télécom – la compagnie Orange – le plus notoire fournisseur des services de téléphonie mobile en République de Moldavie. La compagnie Lafarge est arrivée ensuite pour investir en République de Moldavie. Plusieurs projets de coopération scientifique, didactique, mais aussi de coopération décentralisée ont été menés par l’Ambassade de France en République de Moldavie. L’activité prolifique de l’Alliance Française en République de Moldavie est à noter : elle a largement contribué aux mobilités, aux échanges d’expériences des professeurs de français, des professionnels de divers domaines, des artistes et des littéraires. Le fait que l’Agence Universitaire de la Francophonie détient une Antenne à Chisinau – a aussi permis l’épanouissement des activités francophones complexes.
Franchement, je n’attendais aucune récompense pour mes activités professionnelles liées à la promotion de la langue française sur le plan académique et scientifique, car je suis professeur de langue française, je suis linguiste. C’est aussi vrai que la liste des projets francophones que j’ai montés au fil du temps est très longue et il me serait difficile de les énumérer et les estimer en quelques lignes, mais je suis profondément reconnaissante à la République Française pour cette décoration qui me fait un grand honneur. Je continue mon activité scientifique au sein de l’École doctorale de linguistique et de littérature de l’Université d’Etat de Moldavie, je dirige les travaux scientifiques de quatre doctorands, eux, à leur tour, amoureux de la langue française et de la recherche.
L’incident avec le siège de l’Ambassade de la France à Chisinau est le résultat direct de la corruption qui sévit dans les institutions publiques moldaves. En fait, c’est la mairie de Chisinau qui se rend responsable de la construction d’un immeuble-monstre en plein cœur du vieux Chisinau. Les mésententes des partis politiques du gouvernement local n’ont fait qu’aggraver les irrégularités dans le développement de l’urbanisme de la capitale moldave. C’est regrettable que les autorités moldaves n’aient pas pu intervenir afin de remédier cet incident.
Aujourd’hui il est impossible de prévoir une date exacte de la réunification de la République de Moldavie avec la Roumanie, car cette réunification doit se produire exclusivement par voie démocratique, suivant l’article 1 du Traité de Helsinki : soit par référendum, soit par un vote au parlement. Compte tenu du fait qu’en République de Moldavie la masse critique des votants unionistes n’atteint actuellement que 30%, il y a un travail d’explication à faire à l’intention des citoyens pour les convaincre que c’est l’unique voie de rejoindre la communauté européenne, tout en réparant une conséquence injuste de la seconde guerre mondiale, commise à l’égard de la nation roumaine – le pacte Hitler-Staline de l’occupation de la Bessarabie par l’URSS. Une chose est certaine – la réunification de la République de Moldavie avec la Roumanie aura lieu inévitablement.
La Roumanie a une affinité culturelle et intellectuelle très distinguée avec la France. Des personnalités connues tels que Emil Cioran, Constantin Brancusi, Mircea Eliade ont marqué l’histoire de la pensée philosophique et artistique française. Donc, la diaspora roumaine de la France est une communauté historique, à laquelle appartiennent, y compris, les anciens persécutés du régime communiste de Ceausescu. J’ai l’honneur de connaître plusieurs d’entre eux, professeurs, académiciens, qui ont fui le régime communiste roumain d’après- guerre. En même temps, la communauté roumaine de France est constamment élargie par les jeunes diplômés, ressortissants de la Roumanie et de la République de Moldavie, qui choisissent la France comme pays d’accueil. Je crois que toute la communauté roumaine de la France constitue une source d’enrichissement et de développement polyvalent du pays.
La mission du Département pour la Relation avec la République de Moldavie – une structure complètement nouvelle au sein du Gouvernement roumain, constitue l’appui des projets appelés à promouvoir la langue roumaine, les valeurs et les traditions roumaines, l’identité roumaine en République de Moldavie. Donc, cette mission est moins tournée vers l’extérieur de la République de Moldavie, mais des projets qui vont respecter cette mission, venant des associations de l’étranger, seront acceptés, si les rigueurs requises sont respectées.
Oh, la politique est une dame complexe et compliquée. La République de Moldavie, un état démocratique émergeant, a une histoire politique très récente, très jeune, n’ayant presque rien hérité de l’histoire politique européenne. J’explique : la jeune République de Moldavie essaie de rattraper le temps perdu à cause de l’occupation soviétique et elle ne fait qu’appliquer (parfois pas trop assidument) les valeurs et les libertés démocratiques, pour lesquelles les pays européens ont lutté durant des siècles. Et, franchement, de mon point de vue, ce rattrapage historique prend du temps. Il faut également rappeler qu’Étienne le Grand, prince de la principauté féodale moldave, faisait référence à la réalité de ses temps. N’oublions que la République de Moldavie dans ses frontières actuelles ne couvre qu’un tiers du territoire de l’ancienne principauté féodale moldave, la plus grande partie du territoire de l’ancienne Moldavie féodale se trouve en Roumanie et une partie en Ukraine. Voilà pourquoi la République de Moldavie aujourd’hui ne peut pas être considérée comme une porte d’entrée vers le grand Est, et encore moins – une héritière de l’ancienne principauté féodale moldave. C’est plutôt l’Ukraine qui joue ce rôle à l’heure actuelle.
Pour ce qui est de l’information qu’on devrait connaître à propos de la politique en République de Moldavie, de ses dirigeants il est à noter ce qui suit : la République de Moldavie est un pays en pleine transition vers une démocratie véritable ; c’est un pays en forte dérive identitaire, car, après 100 ans d’occupation tsariste russe et 50 ans d’occupation soviétique, une bonne partie de la population est encore très nostalgique, regrettant la chute de l’URSS ; les mentalités sociales sont marquées par la forte propagande russe, qui continue aujourd’hui encore à travers les 90% des chaines de télévision, diffusées sur tout le territoire (information curieuse : la Russie achète les droits d’auteurs pour les contenus audiovisuels en vertu de la fausse idée de « communauté linguistique russe ») ; les intellectuels et les philosophes du pays plaident tous, sans aucune exception, pour la réunification de la République de Moldavie avec la Roumanie; la République de Moldavie est fortement affectée par l’exode massif de sa population vers les pays européens ou vers la Russie, un quart de la population aurait quitté le pays depuis son indépendance; la République de Moldavie, depuis 1992, s’est vu « mordre » 8% de son territoire suite à la guerre russo-moldave, qui a donné naissance à une zone séparatiste dite « la Transnistrie », où stationne l’armée russe avec 22 mille tonnes d’armements ; la République de Moldavie a ratifié l’Accord d’Association avec l’Union Européenne en 2014, mais cet Accord ne contient aucune référence à l’article 49 du Traité de Lisbonne qui lui donnerait une perspective claire d’adhésion à l’UE. Depuis 1991 les dirigeants politiques de la République de Moldavie s’alternent au pouvoir autour de deux axes géopolitiques : tantôt pro-ouest, tantôt pro-est. À cause d’un manque d’unanimité visant l’orientation géopolitique de la République de Moldavie, et surtout, à cause de l’insuffisance de la conscience nationale roumaine, ce petit pays, en quête de son identité, est voué à une errance, restant dans la zone grise de l’imprédictibilité, de la corruption et de la faillite.
Interview réalisée par Mme Elena Robu, journaliste moldave qui habite actuellement en France.
Secretarul de stat al Departamentului pentru Relația cu R. Moldova în Guvernul României, Ana Guțu, doctor și profesor universitar, spune că cea mai incomodă resctricție pe timp de izolare este cea a libertății de mișcare. Despre aceasta Ana Guțu a vorbit în cadrul proiectului lansat de CURENTUL – „Viața în carantină!”.
„Fiind demnitar în Guvernul României am nimerit în autoizolare la Chișinău, apoi la București, fapt care m-a făcut să activez la distanță. Noile tehnologii informaționale permit acest lucru, există multiple mijloace de comunicare, pe care le-am exploatat cu succes pentru a reuși lansarea apelului la proiecte în cadrul Departamentului pentru Relația cu Republica Moldova”, a spus Ana Guțu.
Ana Guțu menționează că o carte de filosofie, un recital de muzică preferată îi susțin moralul în carantină. „Pe timp de izolare, fiind solicitată să muncesc la distanță, nu prea am avut când să-mi permit luxul de a mă ocupa de hobby-urile mele. Timpul trece mult prea repede în autoizolare, când ai o agenda intensă ca demitar. Voi reveni la hobby și mă voi putea relaxa doar când se va găsi soluția sigură împotriva Covid-19: vaccinuri, tratamente sigure, prevenție”, spune Ana Guțu.
Ana Guțu afirmă că în izolare savurezi momentele plăcute alături de familie. „Îmi cunosc limitele, ca să nu zic „talentele”. Pe timp de izolare te faci bucătar, frizer, croitor, florist, sau, pentru nepoțelul meu mult prea adorat – actor, animator, poet, cântăreț. Autoizolarea în pandemie este și ocazia perfecta de a savura fericirea clipelor petrecute împreună cu membrii familiei”.
Cât privește munca la distanță, Ana Guțu spune că este mult mai solicitantă. „Munca la distanță cu implicarea noilor tehnologii informaționale/comuncaționale este mult mai solicitantă decât activitatea profesională prezențială. Activând la distanță deseori depășești programul zilei de muncă de 8 ore, și tot mai redactezi, mai dai telefoane, mai discuți până seara foarte târziu. Probabil, e similară situația și pentru profesori, alte categorii de specialiști. Mai puțin sunt vizați medicii din prima și a doua linie în aceste vremuri de răstriște. Un gând pios pentru toți lucrătorii medicali și sacrificiul lor, le exprim profunda gratitudine și admirație”, a punctat Ana Guțu.
Ana Guțu ne-a spus că în contextul pandemiei se atestă mai multe pierderi. „La nivel personal pierderile se cifrează în libertatea de mișcare, de mobilitate profesională și socială. La nivel general-uman suntem într-o dezastruoasă criză existențială.Cursa contra-cronometru în căutarea tratamentului pentru bolnavii de Covid-19 bate recorduri absolute. Laboratoarele științifice propun, inovează, testează. Molecula-minune se lasă așteptată, iar vaccinul anti-Covid-19 va fi gata abia peste un an, când pandemia, poate, va fi trecut deja. Mastodonții industriei automobile vor produce sute de mii de aparate pentru ventilare artificială a plămânilor, dar, abia luni mai târziu. Industriașii textili vor inunda spitalele cu măști/echipamente de protecție, poate peste săptămâni, luni. Între timp coronavirusul a făcut ravagii, „dezgolind” urât impotența sistemelor sanitare naționale din circa 180 de state. Incredibilă este puterea acestui organism mutant cu chip floral să dea peste cap planurile omenirii la început de secol XXI. Deocamdată suntem în război, unul bizar, în care inamicul de câțiva milimicroni încearcă să demonstreze Omului că nu a atins încă Graal-ul cunoașterii. Iar unor potențați ai lumii nu le servește nici arma nucleară pe care o au, nici bogățiile, inclusiv, cele petroliere imense, nici conturile bancare cu infinite zerouri”, spune Ana Guțu.
Primul lucru care âl va face Ana Guțu când se va termina perioada pandemică va fi reluarea navetei București-Chișinău cu mai puține eforturi birocratice și sanitare.
Cât privește lumea, Ana Guțu menționează că după pandemie va intra în perioada de adaptare. „Va fi o perioadă de adaptare, de pre-normalitate, cu respectarea gesturilor-barieră: măști, distanță fizică, igienizare. Totuși, din momentul în care Covid-19 va pierde din încărcătura virală și vor apărea tratamentele sigure, vaccinurile anti-Covid-19 – oamenii își vor relua cursul vieții și obișnuințele cotidiene: activități profesionale, întâlniri de familie, călătorii. Aceasta nu înseamnă că pandemia Covid-19 va trece fără consecințe pentru omenire: țările își vor revedea atituidnea față de sistemele lor sanitare/medicale, vor reveni la suveranitatea națională în materie de autosuficiență industrială în caz de pandemii (producerea medicamentelor, echipamentelor medicale, dispunerea unor investiții serioase în cercetare etc). Probabil, unii angajatori vor trage concluzii referitor la beneficiile fabuloase pentru companii, generate de telemuncă, ei optimizându-și chletuieliel de birou și logistică (aceste diligențe vor cădea pe umerii angajaților). Dar, în general, viața va merge înainte, cu toate frumusețile și splendorile ei. Să fim optimiști și să privim cu încredere în viitor”, a spus Ana Guțu.
Cristina Parfeni
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